Au nord de la Grande-Terre de Guadeloupe, en plein cœur d’une région plate et calcaire, une habitation est parvenue au 18e siècle, malgré son isolement, à subvenir à tous ses besoins. Il s’agit de l’habitation de la Mahaudière, une ancienne plantation de canne à sucre.
Cette propriété, qui a longtemps appartenu à une même famille d’exploitants agricoles, est désormais la propriété du Conseil départemental de Guadeloupe. Située à Anse-Bertrand, elle est aujourd’hui intégrée au circuit « La Route de l’Esclave - Traces mémoires en Guadeloupe » pour son lien direct avec l’histoire de l’esclavage sur l’île.
Entourée de champs de canne, l’habitation sucrerie de la Mahaudière reflète l’histoire séculaire de la production cannière, mais également de la vie qui y régnait du 18e siècle jusque dans les années 1950. Partons à la découverte de ce site peu connu, mais qui mérite, entre autres, d’être visité pour ses nombreux vestiges.
L’une des plus grandes plantations d’Anse Bertrand
Les premières traces de l’histoire de l’habitation de la Mahaudière remontent à 1732, bien que son recensement n’apparaisse qu’en 1764 sur les cartes des ingénieurs du roi de France, avec une surface de 450 hectares. Il s’agissait initialement d’une cotonnerie, comme de nombreuses autres exploitations voisines.
En 1770, cette exploitation devient la propriété d’Etienne Douillard Mahaudière, attiré par son nombre important de cases d’esclaves. Peu à peu, ce producteur de coton agrandit son domaine tout en se tournant vers la production de sucre. En 1828, l’exploitation familiale est dirigée par son fils, Jean-Baptiste Douillard Mahaudière, devenu l’unique héritier. On recense alors 147 esclaves qui besognent sur 465 hectares d’exploitation sucrière, classant de fait cette exploitation parmi les entreprises de moyenne importance en Guadeloupe.
La sucrerie reste dans la famille jusqu’en 1846. Par la suite, l’habitation connaît plusieurs propriétaires. À la fin du 19e siècle, elle devient une distillerie de rhum. Mais cette activité, qui perdure jusqu’en 1950, avec une production d’environ 365 hectolitres de rhum par an dans les années 1920, décline au fil des ans avant d’être totalement abandonnée.
Les nombreux vestiges de l’ancienne sucrerie
Si le site de la Mahaudière est inclus au parcours de “La Route de l’Esclave”, c’est parce qu’il regorge de vestiges encore visibles. Ces derniers, en plus d’avoir joué un rôle capital pour les habitants d’autrefois, sont les derniers témoins d’une période de l’Histoire qui a fortement impacté la Guadeloupe.
Le moulin de La Mahaudière
Au milieu de cette vaste plaine, caractéristique de Grande-Terre, se dresse un moulin à vent, construit en pierres, selon la tradition. Mais ne cherchez pas ses ailes, disparues depuis fort longtemps. D’ailleurs, ce moulin qui a été restauré voici une quinzaine d’années, s’est transformé en petite chapelle, la Chapelle Sainte-Thérèse. C’est donc devenu un lieu de recueillement.
Le moulin de l’habitation est probablement le vestige le plus ancien du site. Idéalement situé, il est frappé par les vents océaniques. Imaginez, ses pales judicieusement orientées, le travail de broyage qu’il pouvait accomplir chaque jour. Le jus de canne issu du moulin était ensuite amené plus bas à l’aide d’une goulotte, afin d’être transformé en sucre. Durant plus d’un siècle, avant l’arrivée de la vapeur en 1865, il a donc joué un rôle crucial dans cette exploitation, avant d’être remplacé par un équipage de quatre chaudières.
Non loin du moulin, on retrouve une partie de l’habitation des maîtres. Les nombreuses cases des esclaves se trouvaient, quant à elles, un peu plus loin sur la colline.
La cheminée
On peut voir tout près, en assez bon état, la cheminée de la production de sucrotte, autrement dit du sucre. La base de cette cheminée est fabriquée en moellons et pourrait être antérieure à 1843, date du séisme qui a détruit en grande partie la ville de Pointe-à-Pitre. Le reste de la construction est réalisé en briques jaunes.
Le puits
Le puits est incontestablement l’un des vestiges qui a toute son importance sur ce site. Il a été l’un des premiers à être creusé dans cette région. S’il a facilité la vie des habitants qui pouvaient alors jouir d’une eau de source très accessible, il a surtout permis la fabrication du sucre en permettant d’alimenter en eau les machines à vapeur.
Ce puits, très profond, était autrefois abrité d’un bâtiment, dont il ne reste à ce jour que des ruines, envahies par la végétation, dont notamment quelques figuiers maudits. Une partie de sa machinerie est encore présente.
L’affaire Lucile, une esclave emprisonnée
Si l’habitation de la Mahaudière est réputée pour la taille de son exploitation, elle l’est peut-être encore plus pour une histoire judiciaire qui s’est déroulée au moment de l’abolition de l’esclavage. L’un des propriétaires, à savoir Jean-Baptiste Douillard Mahaudière, a été au cœur d’une affaire sans précédent entre 1840 et 1842. Revenons sur cette sombre histoire qui a fortement contribué à la notoriété de ce lieu.
Le propriétaire, dont l’épouse semblait avoir été victime d’un empoisonnement, a accusé l’une de ses esclaves, Lucile. Il l’a alors emprisonnée durant 22 mois dans un cachot sous terre et sans lumière, de seulement 5 m2 et 1,20 mètre de hauteur, pieds et mains enchaînés. Les marches qui mènent au cachot, toujours bien visibles sur la propriété, ne donnent guère l’envie de s’y aventurer…
Arrêté suite à une dénonciation anonyme, Jean-Baptiste Douillard Mahaudière a donc été accusé de séquestration et torture. Les colons ont alors exercé une pression telle, qu’il fut jugé non coupable et acquitté. Lucile, quant à elle, a été vendue à un prête-nom avant de partir travailler à l’atelier colonial de Basse-Terre.
La Mahaudiere, un lieu de détente et de sport
Aujourd’hui, l’habitation de la Mahaudière témoigne de la vie passée, mais surtout, c’est devenu un lieu de détente et de rencontres sportives.
Une base de loisir a été implantée à quelques dizaines de mètres des vestiges de la distillerie, près d’une mare accueillant des poules d’eau. Tout est là pour passer d’agréables moments :
- l’aire de pique-nique, située à quelques mètres de l’ancienne sucrerie, vous attend pour de merveilleux moments en famille ou entre amis ;
- le boulodrome vous promet d’heureux échanges ;
- le parcours sportif attend les plus courageux ;
Le parc qui couvre la propriété, relativement bien arboré, se prête parfaitement à de belles balades, à pied ou à vélo. Vous aurez l’occasion, au gré de votre promenade, de découvrir comment étaient construites les cases en gaulette.
La Mahaudière sert régulièrement de point de départ lors de randonnées pédestres, en particulier pour rejoindre le Sentier du Souffleur ou la Trace des falaises.
Comment se rendre à la Mahaudière
L’habitation de la Mahaudière se situe à 12 km à l’est d’Anse-Bertrand.
À la sortie de la commune, suivez la direction des Mangles (Nationale 8) sur 3 km. À la section Beaufond, empruntez la Route Départementale 120. La Mahaudière est juste après la sortie du hameau de Campêche.
Pour profiter du lieu dans les meilleures conditions, prévoyez de bonnes chaussures de marche, éventuellement votre vélo et de quoi pique-niquer, mais surtout… Sortez et profitez de la vie !
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